Le premier dimanche de l'Avent

Voici le témoignage donné ce week-end. En fait je suis la seule mérignacaise à intervenir en détention. Le groupe liturgie de Mérignac trouvait intéressant que des personnes témoignent en ce temps de l'Avent de leur mission auprès de personnes exclues, isolées...Béatrice Paternostre

Les personnes détenues de l’aumônerie ont participé à la préparation de cette messe et une célébration a lieu en ce moment même au Quartier femmes  et au quartier hommes en communion de pensée et de prière avec nous tous ici présents, paroissiens de Mérignac.

Elles sont toujours touchées de savoir que des personnes pensent à elles à l’extérieur et s’intéressent à ce qu’elles vivent.

La maison d’arrêt  compte 244 places chez les hommes  mais la densité carcérale atteint 196,9 % au 1er août 2021. Chaque cellule de 9m² accueille 2 personnes, parfois trois. Un matelas est alors rajouté par terre dans la cellule….Pas de place pour l’intimité… 

Chez les femmes il y a 40 places.

Hommes et femmes sont réunis pour le travail à l'atelier et sont payés modiquement, ce qui leur permet de louer une plaque électrique, une bouilloire, un frigo et de cantiner des yaourts, des fruits, des produits  alimentaires et d’entretien.

Nous rencontrons en détention une grande diversité de cultures, langues, religions (catholique, protestante, juive, orthodoxe, musulmane, bouddhiste, témoin de Jéhovah) et une grande diversité de peines. ( Homicides, viols, pédophilie, trafic de drogue, prostitution, fraudes monétaires ou fiscales)

L’aumônerie catholique en détention est composée de 47 hommes, 10 femmes,  5 aumôniers ( une religieuse, un diacre et trois laïques qui ont reçu une lettre de mission de l’évêque et un agrément de l’administration pénitentiaire), des intervenants associés qui nous rejoignent pour les célébrations avec ou sans instruments de musique. Une équipe de 5 à 6 prêtres se relayent pour venir célébrer l’eucharistie chaque week-end.

C’est librement et par écrit que les personnes détenues s’inscrivent au culte. Elles peuvent participer à la messe, au groupe de Partage autour de la parole de Dieu et avoir si elles le souhaitent des entretiens individuels.

En s’appuyant sur le témoignage des personnes il apparaît que l’aumônerie est pour eux comme un phare dans la nuit, comme une bouée de sauvetage au cœur de la tempête, un lieu où ils se sentent accueillies telles qu’ils sont, quoi qu’ils aient fait.

Un jour, Odile, disait, en larmes, combien elle avait besoin d’avoir en face d’elle des personnes qui ne la réduisaient pas à son acte car elle même ne se percevait plus qu’à travers son coup de folie qui l’avait poussé à faire une chose qui ne lui ressemblait pas au vu de tout ce qu’elle avait vécu avant ce drame.

 Nicole, qui faisait le bilan de ce temps passé en détention a exprimé que ce temps lui avait permis de retrouver le chemin de l’Église. Elle était au sein de la prison un soutien, une aide précieuse pour les autres. Sa Foi était sincère et agissante.

Les temps de groupe ou la messe sont des lieux paisibles à l’écart du bruit et des violences du monde carcéral. Le silence est recherché et il est précieux pour se ressourcer.

Des hommes de l’aumônerie, des piliers, se sont donnés rendez-vous pendant la semaine Sainte pour prier ensemble les offices, chacun dans sa cellule. Lorsqu’ils se retrouvent à la promenade pour partager sur un texte biblique, certains, intrigués de les voir, leur posent des questions. Ils deviennent disciples missionnaires au sein de la prison.

D’autres rejoignent l’aumônerie pour voir ce qu’il s’y vit….pour sortir de leur cellule et changer d’air...pour gagner des points et réduire leur peine, pour essayer de trouver auprès des autres un peu de tabac….Après tout, Ste Bernadette ne cherchait pas la Mère de Jésus quand elle lui est apparue, elle cherchait seulement un peu de bois pour se chauffer….

Au sein de l’aumônerie peut se vivre pour certains un chemin de vérité qui n’est pas facile. Le déni est une protection, la réalité est parfois tellement insupportable à reconnaître qu’elle est impossible à accepter. Le risque de suicide est important en détention, particulièrement au moment de l’arrivée. Des drames au sein de la maison d’arrêt nous le rappellent douloureusement et sont un choc pour tous, personnes détenues, surveillants, personnel de la direction et partenaires de la maison d’arrêt.

Accueillir, écouter, accompagner et respecter le rythme de chacune, chacun est important. Le travail en équipe est indispensable ainsi que les temps de supervisons et la prière.

Nous sommes témoins de beaux partages et d’une réelle fraternité avec parfois des débats très animés.

Pour terminer, Audrey, partageait mardi passé que ce qu’elle souhaitait pour ce temps de l’Avent  c’était renouveler sa Foi…..Que ce désir d’Audrey puisse raisonner en nous durant cette période d’attente de la venue du Seigneur.


Je vous propose pour finir de laisser la parole à Matthieu, une personne détenue,

qui a accepté de partager sa prière :

 

                                                           CE QUE JE RESSENS

 

Seigneur, mon bon berger, j’ai confiance en ton nom. Je demeure en toi, tout comme tu demeures en moi. Et je suis rempli de ton Esprit, qui m’invite à répandre autour de moi ton Amour.

Je suis pauvre de bien mais riche de cœur et de la liberté que tu m’offres, de jour en jour.

Je te raconte car du plus profond de mon cœur, j’en ai le besoin. Ce besoin, cette envie de te dire : « MERCI, JÉSUS… ».

Tu prends possession de mon corps et de mes lèvres pour te raconter au présent. Mais aussi et surtout pour accomplir ta parole, ici-bas.

Je veux en tout temps glorifier ton nom. Et ta vie est une douce mélodie pour moi.

Je te retrouve en tout, autour de moi :

  • Les oiseaux : qui se posent à ma fenêtre, sur mes perchoirs, m’apportent un peu de liberté.

  • Le soleil : qui brille en tout temps, comme tu es la lumière de ce monde.

  • Les arbres et les plantes : qui par la lumière et l’eau grandissent de jour en jour. Comme par l’eau du baptême et la vie que tu procures à sa suite.

  • Le vent : qui se rapporte au souffle de ton Esprit-Saint.

Mais aussi dans les barreaux : qui ferment la cellule et qui représentent tes souffrances, Jésus, avant que tu ressuscites et nous reviennes.

Oui ! tu es là, partout autour de moi et en moi. Je ne veux vivre que pour toi, pour te raconter, te louer et te remercier.

Tu fais de ma vie aujourd’hui, un long fleuve tranquille et je ne te remercierai jamais assez pour cela. Si ce n’est par le fait de pouvoir continuer à vivre selon ta Parole.

Car j’ai ce désir de plénitude, que tu m’offres au quotidien, par ton Amour. Je suis tellement en admiration et en amour devant toi, Jésus. Je ne sais même plus comment te raconter.

Il m’est impossible de croire que des gens ne croient pas en ton Amour. Et donc je prie pour eux. Pour qu’avec sagesse, ils découvrent la grandeur de tes bienfaits.

Jésus, Jésus, je te le dis : « Merci d’être encore là pour moi aujourd’hui et je t’aime. Ce n’est plus moi qui vis en toi mais toi qui vis en moi ».

AMEN